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CARDIOVASCULAR JOURNAL OF AFRICA • Volume 27, No 4, July/August 2016

AFRICA

e5

Cotonou. L’usage d’un auto-questionnaire adressé aux médecins

garantit la sincérité des déclarations recueillies.

Au terme de cette étude, nous avons observé que les médecins

généralistes ne maitrisaient pas la définition de l’HTA ni

l’évaluationdel’hypertenduconformémentauxrecommandations

de JNC7. Les objectifs tensionnels n’étaient pas connus de tous

les médecins généralistes de même la prescription des MHD. Les

médicaments anti hypertenseurs recommandés sont bien connus

par les généralistes mais les diurétiques thiazidiques sont peu

prescrits par ces derniers.

La mauvaise connaissance des généralistes sur l’HTA n’est

pas spécifique à la ville de Cotonou. En effet, au Pakistan en

2010, Rehman

et al.

ont rapporté que 25.5% des médecins

généralistes ne connaissaient pas la valeur seuil qui définit

l’HTA.

10

À l’ouest du Cameroun en 2012, 36.4% des médecins

généralistes utilisaient de fausses valeurs pour définir l’HTA.

7

La

situation est encore pire au Burkina Faso où, en 2002, 65% des

médecins avaient basé la définition de l’HTA essentiellement sur

la pression artérielle systolique.

11

De même, en Chine, Chen

et al.

,

en 2011, ont observé une mauvaise définition de l’HTA par les

généralistes dans 55.8%.

12

Pour l’évaluation de l’hypertendu, un bilan minimum est

recommandé en complément de l’examen clinique et a pour

but de rechercher les facteurs de risque associés à l’HTA,

les atteintes des organes cibles et co-morbidités de l’HTA

(insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, coronaropathie) et

les signes orientant vers une éventuelle hypertension artérielle

secondaire (hypokaliémie, insuffisance rénale, anémie).

9,13,14

Dans

notre série, 80% des médecins généralistes demandaient le bilan

minimum mais il n’était à moitié conforme que chez 24.4% des

praticiens. Notre observation rejoint celle de Noubiap

et al

. qui

avaient rapporté une demande de bilan minimum par 87% des

généralistes avec un taux d’adéquation de faible (10.4%).

7

Cette déficience observée dans l’évaluation de l’hypertendu

nous permet de comprendre la méconnaissance des critères

de gravité de l’HTA par les généralistes. Si la sévérité des

chiffres tensionnels (

180/110 mmHg) et les retentissements

viscéraux étaient connus comme éléments de gravité de l’HTA par

certains généralistes dans notre série, aucun des ces derniers ne

considérait le syndrome métabolique, et seulement 16.9% de ces

derniers considéraient le diabète comme critères de haut risque

cardiovasculaire. De même, aucun généraliste ne connaissait

la notion du risque cardiovasculaire global (RCVG). Pourtant,

l’évaluation du RCVG est une étape majeure de la prise en charge

de l’hypertendu. En effet, le niveau de risque découle du bilan de

l’hypertendu et oriente le traitement médicamenteux de même

que la définition des objectifs tensionnels.

9,13,14

La méconnaissance

du RCVG par les praticiens expose les patients à une mauvaise

prise en charge avec comme conséquence un mauvais contrôle

tensionnel et un risque accru d’accident cardiovasculaire.

15

Sur le plan thérapeutique l’objectif tensionnel n’était connu

que par 43.9% des généralistes et seulement 14.1% tenaient

compte du RCVG pour définir le traitement de leurs patients

hypertendus. Au Pakistan en 2005, Jafar

et al.

avaient observé que

52.3% des généralistes connaissaient les objectifs tensionnels.

16

Ce taux était de 44.2% au Cameroun en 2014.

7

La place des

mesures hygiénodiététiques (MHD) dans le traitement de l’HTA

était bien connue par la plus part des médecins généralistes dans

notre étude (90.2%) de même que celle de Chen

et al.

(99.3%).

12

Les MHD sont moins pratiquées dans d’autres séries africaines:

77.9% au Cameroun

7

et 50% en Afrique du Sud.

17

Il est important

de reconnaitre cependant que, même si ces MHD ont été souvent

prescrites par ces généralistes, les différentes composantes de ces

MHD n’étaient pas toujours bien maitrisées par ces praticiens.

Par exemple, nous avons observé dans notre enquête que peu des

médecins savaient que l’arrêt du tabac (29.3%), la réduction de la

consommation d’alcool (39%) et la réduction pondérale (4.9%)

faisaient partie des MHD adressées aux hypertendus.

Selon les travaux de Chen

et al.

, quatre problèmes principaux

entravaient la prescription des MHD par les généralistes:

la mauvaise observance des patients, le manque de temps

de consultation à consacrer à l’éducation sur les MHD, le

manque de compétence du médecin en matière de MHD et le

manque de technique pour enseigner ces MHD.

12

Les classes

pharmacologiques les plus prescrites en monothérapie dans

notre étude étaient les inhibiteurs calciques suivis des inhibiteurs

de l’enzyme de conversion, les diurétiques thiazidiques et les

bétabloquants. Au Cameroun, c’étaient les diurétiques de l’anse

qui étaient les plus prescrits (49.3%).

7

Au Pakistan, par contre,

on a observé curieusement une forte prescription d’anxiolytiques

comme médication de première intention contre l’HTA.

16

Actuellement les classes d’antihypertenseurs recommandées en

première intention par les sociétés savantes restent les diurétiques

thiazidiques, les inhibiteurs calciques, les inhibiteurs de l’enzyme

de conversion, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine

II et les bétabloquants.

9,13,14

Il existe une préférence pour les

inhibiteurs calciques et les thiazidiques chez les sujets de race

noire.

18

L’étude ALLAT a montré que les thiazidiques confèrent

les mêmes bénéfices que les autres classes thérapeutiques

recommandées mais ils sont supérieurs aux bétabloquants,

aux inhibiteurs calciques et aux inhibiteurs de l’enzyme de

conversion dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux

et de l’insuffisance cardiaque.

19

Ces bénéfices pronostiques

s’ajoutent au faible coût des thiazidiques. L’accent devrait donc

être mis sur la prescription des thiazidiques dans nos pays à

faible revenu. Bien entendu, il faudra tenir compte de leurs

effets secondaires métaboliques et les prescrire à faible dose et

surtout en association avec d’autres classes d’antihypertenseurs,

notamment les inhibiteurs calciques et les IEC.

L’ensemble de ces données de la littérature sur la prise en

charge de l’HTA par les généralistes doit être considérée comme

une alerte. Une riposte à cette situation désastreuse s’impose.

Elle doit consister en une formation universitaire et post

universitaire. Une priorité doit être donnée aux maladies non

transmissibles et particulièrement l’HTA dans les curricula de

formation des médecins généralistes dans nos pays. De même

les autorités politico-administratives et l’ordre des médecins

devraient soutenir les formations post universitaires des médecins

praticiens. Ce besoin de formation a été clairement exprimé par

les généralistes dans l’enquête de Chen

et al.

en Chine en 2011.

12

La négligence de cette incapacité des généralistes à gérer l’HTA

contribuera forcement à un mauvais contrôle de cette pathologie

comme l’ont démontré quelques travaux.

16,20-22

Conclusion

La connaissance des généralistes sur la prise en charge de

l’HTA était insuffisante et leur gestion ne respectait pas les

recommandations internationales.